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Algérie : frontières fermées, blessures ouvertes

Algérie : frontières fermées, blessures ouvertes

Un avion de la compagnie aérienne nationale Air Algérie. (Par Björn Wylezich - stock.adobe.com)

Des millions d’Algériens éparpillés aux quatre coins du monde n’ont pas pu revoir leurs familles depuis maintenant neuf mois. Qu’ils soient au Canada, en France, en Suisse, en Tunisie, en Turquie, aux Etats-Unis, ou ailleurs dans le monde, les frontières aériennes, maritimes et terrestres de l’Algérie sont fermées depuis le 17 mars dernier, pour cause de pandémie.

Une terrible épreuve pour ces Algériens coupés de leurs êtres chers. Toutefois, si, parmi les personnes bloquées à l’étranger après un voyage de tourisme effectué avant la pandémie, il y a l’alternative – pour les plus chanceux – de se faire inscrire sur la liste d’un hypothétique vol de rapatriement de la compagnie Air Algérie – l’opération s’achève samedi 19 décembre -, ce n’est pas le cas des nationaux établis à l’étranger, en mal du pays.

Il en est de même pour toutes celles et tous ceux, résidant en Algérie, isolés des membres de leurs propres familles. C’est particulièrement le cas des enfants partis pour des études, ou un poste d’emploi, outre-mer. Certains n’ont même pas pu assister à l’enterrement de leurs proches. Et, il faut dire que des situations de décès, ce n’est pas ce qui manque en ces temps de crise sanitaire. Des histoires déchirantes que nous avons recueillies pour vous, à travers ces témoignages.

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Visio-enterrement

Salim, 43 ans, habite et travaille à Lyon. En août dernier, l’état de son père souffrant d’un cancer s’est subitement aggravé. « Mes sœurs m’ont dit qu’il vivait ses dernières heures et qu’il m’avait réclamé à plusieurs reprises. J’ai fait des pieds et des mains pour avoir une place dans un avion, en vain. Quelques jours plus tard, mon père a rendu l’âme. Mon cousin a filmé son enterrement avec son téléphone en direct. Je pleurais comme un enfant. Mon cœur brûle de ne pas pu dire adieu à mon père ! »

Bloqué à Alger depuis 10 mois

Omar, 54 ans, vit à Londres. En mars dernier, il a rendu visite à sa mère qui vit à Alger et n’a pas pu repartir depuis.

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« Je n’ai pas revu ma femme et mes deux enfants depuis 10 mois. Vous imaginez la situation dans laquelle je suis ? Presque une année sans ma famille ! Heureusement qu’on peut échanger via les réseaux sociaux. Cette attente a duré plus que de raisons. Regardez, même les pays voisins comme la Tunisie et le Maroc ont rouvert leurs frontières. L’économie est sous perfusion. Les conséquences sociales et psychologiques sont désastreuses. Pour ma part, je travaillais dans une conserverie de poisson à Londres. J’ai continué à percevoir mon salaire pendant quatre mois, mais plus maintenant ».

Il ajoute : « Ma sœur, qui réside à Montréal, avait l’habitude de venir pendant l’été voir ma mère. Cette année, elle n’a pas pu effectuer le voyage. Nous sommes tous très mal. Ma femme, restée à Londres, ne supporte plus cette situation non plus. Elle déprime gravement. Et ma mère a peur de mourir sans revoir sa fille ! J’ai un ami qui est rentré clandestinement par les frontières tunisiennes. Il a voyagé de Londres à Tunis, moyennant 2000 euros qu’il a payés à un passeur. Après avoir passé 3 jours avec ses parents, il est reparti par le même circuit. Le gouvernement doit rouvrir les frontières, comme l’ont fait tous les pays du monde, dans le respect d’un strict protocole sanitaire pour éviter encore plus de drames. »

Otages pour cause de ciel fermé

Louisa, 57 ans, attendait impatiemment l’accouchement de sa fille. « Ma fille habite à Paris et c’est son premier bébé », raconte-t-elle. « J’avais réservé mon billet de longue date, mais je n’ai pas pu m’y rendre, le moment venu. Je n’ai pas encore pu tenir mon petit fils dans mes bras », regrette-t-elle.

Slimane, 62 ans, a une fille qui étudie à Montpelier. Depuis la fermeture des frontières, il est sur des charbons ardents. « Cette séparation avec ma fille est une insupportable déchirure. Elle a à peine 20 ans et a perdu son boulot de vendeuse qui l’aidait à payer son studio, à cause de la crise sanitaire. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, elle est tombée malade et a subi une opération sans avoir quelqu’un à ses côtés. Il ne nous reste plus que Skype pour nos échanges. Sa mère et moi sommes dans une grande souffrance à cause de cette situation dont on ne voit pas le bout. Nous sommes comme des otages privés de notre liberté fondamentale : voyager ! »

Zoubir, 65 ans, a assisté au mariage de sa fille via visioconférence. « Elle habite à Montréal », confie-t-il. « Son mariage était programmé en mai. Nous avions prévu de nous y rendre ma femme, mon fils et moi-même.  Mais à cause de la pandémie et de la suspension des vols, tout est tombé à l’eau. Ma fille a reporté la petite cérémonie, pensant que les frontières allaient rouvrir, mais comme le ciel restait toujours fermé, elle a convolé en octobre en partageant avec nous ‘la fatha’ par visioconférence. Sa mère et moi n’avons même pu assister au mariage de notre fille unique. C’est d’une tristesse ! »

Les réseaux sociaux en force

Mariages, naissances, baptêmes, enterrements, à l’ère de la pandémie et des frontières fermées, tout se vit via les réseaux sociaux. D’ailleurs, plusieurs pages Facebook réunissant des millions d’internautes ont été créés à l’instar “d’Algérie, ouverture des frontières” ou “Algériens bloqués à Paris”.

 Voici quelques messages postés par les uns et les autres :

« Mes frères, mes sœurs, j’ai perdu mon père ce matin. Cela faisait un mois que j’essayais de rentrer. Pas moyen » ; « Cette situation n’est plus tenable ». « Des familles séparées et déchirées » ; « Impossible de rendre hommage à nos défunts » ; « Ouvrez les frontières, c’est de la séquestration » ; « Besoin de voir nos enfants avant de mourir » ; « Ma mère a 95 ans. Elle a peur de mourir sans voir sa fille au Canada, et son fils en Espagne ».

D’autres initiatives ont été prises par les ressortissants algériens vivant à l’étranger. Des regroupements sont organisés chaque samedi devant des consulats pour demander la réouverture des frontières dans le strict respect du protocole sanitaire.

Aujourd’hui, de plus en plus de voix s’élèvent d’Algérie et d’ailleurs pour la réouverture des frontières. Ils en appellent aux hautes autorités pour donner leur feu vert. « Avec un test PCR et dans le respect des mesures de prévention », insistent-ils. Pour toutes les familles séparées depuis au moins 9 mois, ces appels sont un SOS qu’ils lancent, à qui veut bien les entendre.

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