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Casbah d’Alger : guides, tourisme et patrimoine

Casbah d’Alger : guides, tourisme et patrimoine

« On ne doit pas se faire trop d’illusions, le développement du tourisme à Alger passe par la Casbah... » / Par saad / Adobe Stock

Ils sont pour la plupart jeunes, dynamiques, accueillants et surtout très actifs, entreprenants. Leur point commun : ils sont guides touristiques. Ils se sont improvisés, imposés comme tels grâce à leurs enthousiasme, audace et résolution. Ils sont incontournables pour une visite guide dans les entailles de la Casbah d’Alger. Ils sont, pour la majorité d’entre eux, des enfants du quartier. De naissance ou d’adoption. Un quartier qu’ils aiment, qu’ils chérissent, à qui ils voudraient redorer le blason, restituer le lustre d’antan, où cohabitaient l’habitant, l’artiste, l’artisan, l’échoppier, le cafetier, le crémier, le passager et le touriste. Pour eux, la Casbah est et restera la pièce maîtresse, le pivot de l’activité touristique dans la capitale.

« On ne doit pas se faire trop d’illusions, le développement du tourisme à Alger passe par la Casbah. Les touristes ne viendront pas voir les cités en construction, les centres d’affaires, les tours commerciales, les grandes surfaces, mais pour visiter la Casbah, contempler la beauté de ses palais, apprécier l’architecture et la répartition de l’espace de ses douerates », explique Mohamed Rezala, éditeur du Guide Nomad d’Alger.

« Abandonnée, marginalisée, la Casbah finira par reprendre le dessus sur les visions étriquées, grâce à ses habitants, à l’affection qu’ils lui vouent », soulignera-t-il. Ceux d’entre eux qui ont eu la « chance » de bénéficier d’un logement AADL ou social n’ont pas rompu le cordon ombilical avec la cité. Ils reviennent régulièrement pour revoir « el houma » (quartier) et « wladha » (ses enfants).

Les touristes et autres visiteurs s’y rendent pour admirer son riche patrimoine, contempler du haut de l’une de ses innombrables terrasses la superbe baie d’Alger, façonnée en forme de fer à cheval, allant de la localité de Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade) jusqu’à Tamentefoust (ex-La Pérouse). Les visites, qui démarrent de Dar Soltane, la Citadelle, du haut de la cité, s’achèvent généralement sur les bords de la baie, du côté du front de mer qui relie, sur 1,5 km environ, le quartier de l’Amirauté et le jardin Sofia, en contrebas de la Grande Poste.

Relancer le tourisme

Mohamed, Yacine et les autres, guides autodidactes, connaissent la Casbah. En plus du fait qu’ils sont nés entre ses murs, bercés par ses musiques, ils ont lu, compulsé, potassé de nombreux livres et guides, actuels et anciens. Ce qui leur a permis de se faire une idée sur ce qu’elle renferme, ce qu’elle abrite comme sites touristiques, culturels, cultuels, curiosités et légendes.  Chacun a élaboré son propre circuit, conçu sa feuille de promenade qu’il propose aux touristes et visiteurs.

Chaque visite s’étend sur cinq à six heures, entrecoupée d’une pause-déjeuner sur le pouce de trois quarts d’heures. Avec, au menu, un sandwich aux brochettes (viande, poulet, merguez, frites omelettes etc.), une tranche de pizza ou un morceau de garentita saupoudrée d’une pincée de cumin. Les guides proposent aussi des menus plus riches, qu’ils appellent des « tables d’hôtes » garnies de mets savoureux, mijotés, spécifiques à l’art culinaire de la Casbah d’Alger.

Yacine Boushaki a 35 ans. Il est natif de la Casbah. Financier de formation et de fonction, il consacre ses weekends, notamment les samedis, à exercer comme guide touristique. Un métier qu’il aime, qui le passionne. Non pas parce qu’il lui permet d’arrondir ses fins de mois mais aussi et surtout parce qu’il lui permet d’apporter sa « modeste contribution à la relance du tourisme » dans le vieil Alger. Comme les autres, il est guide autodidacte. Il a commencé par accompagner bénévolement des amis, puis des étudiants.

C’est par le truchement du bénévolat, exercé pendant plusieurs années, qu’il a découvert l’activité touristique, le métier de guide. Il s’est formé seul, en lisant des ouvrages, en effectuant des recherches, en interrogeant des habitants et en se baladant dans le quartier. Il a aussi bénéficié, nous a-t-il confié, de l’expérience de certains anciens guides des offices publics de tourisme, en particulier de l’Onat. Sa carte de visite indique qu’il est guide touristique. Il organise des visites dans la Casbah d’Alger, mais aussi en directions de Tipaza et de Cherchell. « On veut relancer le tourisme à la Casbah qui a, de tout temps, était un quartier apprécié par les touristes, algériens et étrangers confondus », relève Yacine Boushaki.

Ça reprend, mais timidement

« 60% des visiteurs sont des Algérois qui ne connaissent pas la Casbah, 20% sont des Algériens de l’intérieur du pays et 20% sont des binationaux. Les étrangers ne représentent, pour le moment, qu’à peine 10% des visiteurs », selon ses estimations. Mais, leur nombre accroît au fil des mois et des ans. Évidemment, le climat ambiant, caractérisé par le retour de la sécurité, accompagné par l’adhésion et la participation des habitants, sont pour beaucoup dans la reprise, timide il est vrai, de l’activité touristique. « Le tourisme a commencé déjà à avoir des retombées bénéfiques sur les activités économiques, commerciales, artisanales et culturelles », selon lui.

Relancer le tourisme dans la cité des Béni-Mezghenna, c’est aussi la mission, le but que s’est fixé l’agence Casbah Events. « Nous voulons apporter notre contribution afin que le bien culturel que constitue la Casbah d’Alger reste une attraction touristique exclusive. Nous voulons contribuer à la préservation du site historique de la Casbah », peut-on lire sur son site internet. D’autres sites et agences ont emboîté le pas aux premiers « guides éclaireurs » du quartier. Des organismes publics du secteur du tourisme, des administrations et des agences de voyages et de tourisme font parfois appel aux services des guides privés, qui sont en permanence sur le terrain, pour accompagner leurs clients, selon M. Rezala.

Cependant, la collaboration entre les deux parties reste timide pour l’instant. Elle est vraisemblablement appelée à se développer, estime-t-on d’un côté comme de l’autre. « Parce que les offices et organismes publics en charge de l’activité et du développement du secteur ne peuvent pas se permettre d’avoir une flopée de guides salariés permanents. Donc, ils devraient recourir aux guides privés. Comme cela se passe sous d’autres cieux », estime Nadia, binationale, rencontrée à la Haute Casbah avec des amis algérois.

Propriétaires et habitants anxieux

Nadia, établie dans la région parisienne, travaille dans une agence de tourisme. « Je vais proposer les destinations d’Alger et de Tipaza à mes responsables. Je suis en train de collecter la documentation nécessaire sur ces deux endroits. Je pense qu’ils pourraient être intéressés. Le point qui risque de poser problème, c’est la question de l’hébergement. Les prix des chambres d’hôtel sont élevés et uniformes durant toutes les saisons à Alger », dira-t-elle. Elle a remarqué qu’il y a beaucoup de binationaux parmi les visiteurs de la Casbah. « Ce sont ceux-là qui feraient de la pub pour la destination d’Alger, d’abord auprès de leurs proches et amis, ensuite sur les réseaux sociaux », estime-t-elle.

Le ciel, au-dessus de la Casbah, est loin d’être clair et serein. Les propriétaires et les habitants sont anxieux sur l’avenir, le devenir de leur quartier. La dernière Réunion internationale d’experts sur la conservation et la revitalisation de la Casbah d’Alger, tenue à l’hôtel Aurassi (Alger) du 20 au 23 janvier 2018, n’a fait qu’ajouter une couche à leur inquiétude. Leur appréhension est corroborée, d’ailleurs, par les propos alarmants, tenus lors de cette rencontre par Armin Dürr.

Cet expert allemand n’a pas mâché ses mots. Il a mis l’accent sur l’échec du projet de restauration mené dans l’îlot-test Lallahoum, à la basse Casbah, au début des années 80. Le projet, qui avait entraîné la démolition de toutes les bâtisses du quartier, avait suscité, à l’époque, la désapprobation d’un groupe d’architectes algériens. Ceux-ci avaient considéré que la démarche mise en œuvre était « en contradiction totale avec les principes de préservation des quartiers anciens, préconisés par l’Unesco. » Le temps leur a donné raison. L’îlot est devenu un immense souk de friperie et autres babioles asiatiques.

Absence de vision claire

Hier comme aujourd’hui, propriétaires et habitants pensent qu’il y a trop d’intervenants à la Casbah, trop d’organismes et trop de spécialistes à son chevet. Il y a des discours à satiété et peu d’actions concrètes. Ils s’estiment tenus à l’écart des débats, de la préparation des plans de restauration et de sauvegarde de leur cité. La restauration de Dar Soltane (Citadelle) traîne. Les travaux entamés en grandes pompes sont à l’arrêt. La crise financière y est-elle pour quelque chose ? Faux prétexte, dit-on. « Qu’a-t-on fait lorsque les caisses étaient pleines, depuis le Comedor (Comité permanent d’études, de développement, d’organisation et d’aménagement de l’agglomération algéroise) créé début des années 70 à ce jour ? En fait, le problème de la Casbah n’est pas seulement d’ordre financier. Il y a une réelle absence de vision, de politique claire sur son avenir, son devenir », entend-on souvent dire du côté de la Haute Casbah.

L’idée de vider le quartier de ses habitants est qualifiée d’« incongrue ». « La Casbah sans ses enfants, ses habitants, ses artisans, ses artistes, ses échoppes, ses marchés, ses cafés, ses commerces, ne sera plus la Casbah, ni un site touristique et culturel », martèlera M. Rezala.

Pendant ce temps, une poignée de jeunes guides, armés de leur seule volonté, tentent, avec des moyens de fortune, de revivifier à leur manière Dzaïr El-Mahroussa, la bien-gardée. Yacine Boushaki aime bien taquiner la guitare devant « ses » touristes à la haute Casbah, tandis que Mohamed Rezala et l’orchestre Basta organisent chaque mois des concerts chaâbi dans une « douéra » du quartier. Une façon de dire à tous ceux qui s’agitent autour du vieil Alger : ça suffit, passons aux choses sérieuses, allons vers des actions concrètes pour la restauration et la préservation de la vieille cité des Béni Mezghenna.

La cité compte de nombreux superbes palais susceptibles de faire le bonheur des touristiques. Cependant, un grand nombre d’entre eux – dont la Médersa Thaalibi, Dar Es-souf, Dar Ahmed Pacha, Dar el-Kadi, Dar el-Hamra, Dar Aziza pour ne citer que ceux-là – sont occupés par des offices et organismes chargés de la restauration et la sauvegarde de son cadre bâti.


Auteur : Mohamed Arezki Himeur

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