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« La Hongrie propose chaque année 100 bourses aux étudiants algériens »
Helga Katalin Pritz est ambassadrice de Hongrie en Algérie. Dans cet entretien, elle répond à nos questions sur les relations bilatérales entre les deux pays, la communauté algérienne en Hongrie, les demandes de visas ainsi que les bourses accordées par la Hongrie aux étudiants algériens.
Les relations algéro-hongroises datent d’avant l’indépendance, alors que la Hongrie faisait partie des pays socialistes. Qu’en est-il de ces relations actuellement ?
Je considère que les relations algéro-hongroises connaissent, aujourd’hui, un véritable essor et le développement de nos relations bilatérales est une vraie réussite. Les relations algéro-hongroises ont des racines historiques importantes puisque, même avant l’indépendance, il y avait une amitié forte entre nos deux peuples.
Nous avons eu l’équipe de football du FLN qui a joué un match amical à Budapest en 1958, la radio Algérie Libre qui animait ses émissions à partir de Budapest. Dans les années 1970 et 1980, on a connu une très forte coopération économique et de transfert de savoir-faire : près de 5.000 experts hongrois travaillaient en Algérie jusqu’à la fin des années 1980, avec les membres de leurs familles, ça représentait une très grande communauté. D’un autre côté, la Hongrie a reçu, dans les mêmes années 70 et 80, un grand nombre d’Algériens étudiants boursiers, mais également des touristes et beaucoup d’experts en stages professionnels.
Dans certains domaines, nous avons eu des échanges particulièrement poussés, par exemple dans le génie civil, dans l’agriculture et l’aquaculture où l’expertise hongroise était singulièrement riche. Malheureusement, l’intensité de nos échanges a baissé par la suite, car en Hongrie des réformes économiques structurelles ont suivi le changement de régime politique, entraînant la disparition des anciens acteurs de cette relation très intense.
C’est depuis quelques années que les relations économiques commencent à s’intensifier de nouveau.
Concernant les relations politiques, il n’y a pas eu de baisse, nous avons toujours conservé les liens amicaux. Aujourd’hui, nous avons ouvert beaucoup de volets de coopération par rapport à des années 90 et 2000, et nous avons relancé un programme de bourse dans le cadre de la coopération intergouvernementale dans l’enseignement supérieur.
Qu’en est-il des relations économiques ?
Un nombre grandissant d’acteurs économiques cherchent le partenariat des deux côtés, majoritairement avec une ambition de transfert technologique dans plusieurs secteurs. De plus en plus de délégations d’hommes d’affaires et de grandes associations professionnelles visitent l’Algérie. La Commission économique mixte algéro-hongroise se réunit désormais tous les deux ans, sa dernière session a eu lieu à Alger en décembre dernier.
Selon l’accord de partenariat signé à l’occasion de cette rencontre par les deux chambres du commerce et d’industrie, la CACI du côté algérien et son homologue hongroise, un conseil d’affaires bilatéral sera créé dans les mois qui suivent, ce qui est une étape très importante dans nos relations économiques.
Tout ceci a aussi des répercussions sur le tourisme. Nous sommes très contents de voir qu’il y a de plus en plus de groupes de touristes hongrois qui viennent visiter l’Algérie. Il y a un an, une trentaine d’opérateurs touristiques hongrois sont venus pour faire des « study tour » à l’initiative de Touring Voyage Algérie, aujourd’hui l’Algérie est donc très largement proposée par les agences en Hongrie.
Le tourisme grandit également dans l’autre sens. La Hongrie est un pays touristique, 10% de notre PIB qui provient de ce secteur : il s’agit d’un pays de 10 millions d’habitants, qui fait 30 millions de nuitées touristiques par an. Hier j’ai été reçue par le ministre algérien du Tourisme, pour discuter les modalité de la mise en pratique de notre accord bilatérale de coopération dans le domaine du tourisme, signé en décembre dernier, prévoyant, entre autre, l’échange d’expertise et de données dans ce domaine.
C’est dans le cadre de cette coopération dans l’enseignement supérieur que la Hongrie accorde des bourses d’étude et de recherche aux étudiants algériens. Combien de bourses sont consacrées aux étudiants algériens et quelles perspectives leurs ouvrent-elles ?
Depuis 4 ans, la Hongrie propose chaque année 100 bourses aux étudiants algériens, en ce moment 70 pour une formation en master, pour une durée de deux ans et 30 pour une formation doctorante, pour trois ans. Les étudiants algériens sont libres de choisir les filières qu’ils veulent, néanmoins, concernant les chercheurs, nous accordons la préférence à des domaines qui sont importantes du point de vue de la coopération bilatérale.
C’est aussi une belle histoire de succès dans le sens où nous travaillons à rapprocher cette communauté d’étudiants et de chercheurs des entreprises, les acteurs importants de notre coopération bilatérale, afin qu’ils puissent leur proposer des stages, des prolongations de bourses ou qu’ils puissent les intégrer directement dans leur travail et nous avons de beaux exemples parce qu’il y a déjà des partenaires hongrois qui intègrent les jeunes chercheurs algériens boursiers dans leurs programmes de recherche et développement.
Les universités hongroises sont très bien classées dans le monde, elles offrent la possibilité d’étudier en anglais, nos jeunes boursiers bénéficient donc des diplômes hautement compétitifs. Il est de notre intérêt mutuel de leur proposer de très bonnes perspectives, et les entreprises travaillant dans le contexte bilatéral y jouent un rôle clé. Donc le programme de bourses est un élément très important dans la construction de nos relations bilatérales, même s’il est loin d’être le seul.
Existe-t-il une communauté algérienne en Hongrie ?
Il y a eu dans le passé un grand nombre d’étudiants algériens en Hongrie mais aussi un grand nombre de mariages mixtes, alors qu’aujourd’hui on constate que la communauté hongroise en Algérie est à peu près de 300 personnes et la communauté algérienne en Hongrie n’atteint pas 1000 personnes. Ses chiffres sont modestes, surtout si on considère notre amitié et notre coopération d’avant.
La ligne aérienne directe Alger-Budapest a été rouverte en septembre 2016, après un arrêt qui a duré 25 ans. Qu’est-ce que cette ligne a apporté aux relations algéro-hongroises, au tourisme et aux échanges entre les deux pays ?
C’est une étape très importante dans nos relations bilatérales, on parle d’une réouverture puisque jusqu’aux années 1990, une ligne directe existait entre nos deux capitales. Il y a un an et demi, Air Algérie a décidé de rouvrir la ligne, c’était une décision stratégique très importante et pas seulement du point de vue bilatéral mais aussi régional étant la premier lien aérien directe qui relie une capitale du Maghreb à une capitale d’Europe centrale.
L’importance d’Air Algérie est évidente, elle a tout le potentiel pour devenir une grande compagnie transcontinentale, surtout avec tous les développements des infrastructures qui sont en cours maintenant à Alger. Budapest a aussi un aéroport régional très important, c’est un grand hub qui fait aujourd’hui plus de 12 millions de passagers par an et beaucoup de destinations de l’Europe du nord et de l’Europe centrale peuvent être atteintes facilement à partir de Budapest. Donc en perspective, on pourrait très bien attirer des passagers des deux régions vers nos deux capitales.
Il y a encore du travail à faire mais les premiers chiffres sont vraiment prometteurs, puisque Air Algérie a transporté plus de 10000 passagers entre les deux capitales lors de la première année, on est vraiment sur le bon chemin pour que le vol deviennent économiquement profitable à long terme. Bien sûr, il y a des répercussions très importantes sur les acteurs économiques puisqu’il y a de plus en plus d’entreprises qui s’intéressent à ces destinations.
Pouvez-vous nous donner les chiffres-clés concernant les demandes de visas pour la Hongrie déposées en Algérie ?
Aujourd’hui, nous avons 7 fois plus de demandes de visas qu’avant l’ouverture de la ligne aérienne directe Alger-Budapest.
Les chiffres restent toutefois modestes, car il faut savoir que depuis le début des années 2000 jusqu’à 2016, on recevait à peu près 500 à 600 demandes par an, qui commençait à grandir avec le nombre d’étudiants partant en Hongrie et leurs familles qui leur rendent visite. c’est avec l’ouverture de la ligne directe que le nombre a considérablement augmenté et l’année passée on est arrivés à 3500 demandes, ce qui est une évolution importante.
Evidemment ça ne couvre qu’une petite partie des algériens qui visitent la Hongrie puisque, d’une part, nous avons une exemption de visa pour les passeports diplomatiques et nos deux ministères des affaires étrangères se sont rencontrés il y a un an et se sont mis d’accord pour étendre l’exemption aux passeports de service.
Et, chose très importante, la Hongrie fait partie de l’espace Schengen, donc tous ceux qui détiennent un visa Schengen ou un permis de séjour Schengen, peuvent voyager en Hongrie. Donc selon notre expérience, la majorité des voyageurs sont ceux qui possèdent déjà un visa Schengen.
Combien de visas sont accordés par an ?
La proportion des visas accordés et refusés sont à peu près identiques pour tous les Etats membres de l’UE/Zone Schengen. Vous savez que les critères d’obtention de visa pour la Hongrie sont les mêmes que pour les autres Etats membres de l’espace Schengen.
La situation financière du demandeur est déterminante ?
Oui évidemment, concernant les prix des logements commerciaux, il y a une différence avec les autres pays, mais il y a surtout des refus parce que les dossiers déposés ne sont pas conformes aux critères.
Que conseillez-vous aux algériens qui souhaitent visiter la Hongrie ?
Tout d’abord, je tiens à dire qu’ils sont les bienvenus, je leur conseille de discuter avec les Algériens qui ont connu la Hongrie, parce que les échos sont très positifs et nous sommes contents de savoir que les Algériens qui vont en Hongrie pour des visites professionnels, les études ou le tourisme reviennent très contents. La Hongrie, en tant que pays touristique se visite toute l’année, bien sûr en Hiver il fait froid (rires) mais il y a toujours beaucoup de choses à faire.
La langue pose un vrai défi parce que nous avons une langue très différente des autres langues européennes, par contre, la bonne nouvelle c’est qu’on parle de plus en plus l’anglais et un peu le français en Hongrie.
Les Algériens qui souhaitent visiter la Hongrie peuvent très facilement s’orienter sur internet car les services sont très accessibles, ce n’est pas difficile d’y aller, même en organisant son voyage seul. Mais nous travaillons avec un nombre d’agences de voyage algériennes très professionnelles.
Quels sont les endroits d’Algérie que vous avez visités ?
Ça fait plus de deux ans que je suis en Algérie et ça serait très difficile de lister tous les endroits que j’ai visités, puisqu’en visite officielle, j’ai déjà visité une vingtaine de wilayas et en visite privée aussi, j’ai pu voyager un petit peu.
L’Algérie est un pays que j’aime beaucoup et pour lequel j’ai beaucoup d’admiration pour son patrimoine, pour ses richesses culturelles.
Ce n’est pas la première fois que je travaille en Algérie puisque dans les années 2000, je suis venue ici avec plusieurs délégations et j’ai travaillé quelques mois à l’ambassade, donc ça me permet aussi de comparer l’évolution de l’état de l’Algérie entre 2001 et aujourd’hui. Je vois un développement spectaculaire dans les infrastructures, dans le monde des services et de la consommation qui est très important.
Qu’est-ce qui vous a le plus marquée en Algérie ?
Ça serait très difficile de dire ce que je préfère en Algérie, chaque endroit nous marque pour des raisons différentes. Mais ça serait avec un grand plaisir que je retournerai dans la wilaya de Béchar où j’ai été il y a 18 ans. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’y retourner car nous n’avons pas de projet en cours là-bas, mais, par contre, l’université de Béchar a été très active dans la coopération dans le cadre du programme de bourses.
Il y a aussi la wilaya de Biskra où je me rends assez souvent, puisque nous avons un lien culturel très important, qui est notre compositeur Béla Bartók, dont le portrait est accroché dans mon bureau. En 1913, il a effectué un séjour à Biskra qui a beaucoup marqué son œuvre. Dans les grandes pièces musicales de Béla Bartók, il y a la musique folklorique de la région qui raisonne et le recueil de chants populaires qu’il a réalisé a vraiment marqué l’histoire de la musicologie mondiale. Ça a été pour moi une visite extrêmement marquante et cette histoire nous offre un patrimoine culturel commun à l’Algérie et à la Hongrie.
Propos recueillis par : Hassane Saadoun