Il est encore tôt pour tirer quelque conclusion définitive, mais le fait est là : le nombre de visas délivrés aux Algériens a drastiquement baissé en janvier 2025, comparativement au même mois de 2024.
La coïncidence est pour le moins curieuse, la baisse survenant dans un contexte de fortes tensions entre les deux pays, précisément sur l’immigration et les reconduites aux frontières.
Le gouvernement français a-t-il entamé, sans l’annoncer, la mise en œuvre des mesures de rétorsion sur les visas réclamées par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau ?
Le journal français Le Point a rapporté ce samedi 8 mars que le nombre de visas délivrés par les trois consulats de France en Algérie a baissé de 28% en janvier 2025 par rapport à janvier 2024.
La baisse n’est pas insignifiante et elle ne peut s’expliquer que par l’effet d’un facteur déterminant, comme les réductions tout aussi drastiques enregistrées à plusieurs reprises par le passé.
Paris a-t-elle dégainé l’arme des visas contre Alger ?
Ce n’est pas la première fois en effet que le nombre de visas délivrés aux Algériens chute brutalement.
Après le pic de 400 000 visas octroyés en 2017, le nombre est descendu l’année d’après à 360 000, puis à 272 000 en 2019. En 2024, la France a délivré 250 000 visas aux demandeurs algériens.
Des facteurs objectifs ont été parfois avancés pour expliquer les différentes baisses de ces dernières années, comme le changement de prestataire visas du consulat général de France, la crise sanitaire…
En 2021, c’est une décision assumée du gouvernement français qui a divisé par deux le quota. Pour amener les gouvernements des trois pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) à coopérer dans les reconduites aux frontières en délivrant les laissez-passer consulaires nécessaires pour l’exécution des OQTF (obligation de quitter le territoire français), le président Emmanuel Macron avait ordonné de rejeter une demande de visa sur deux, soit un taux de refus de 50%.
Visa pour la France : forte baisse en janvier 2025 en Algérie
“Cela (les chiffres depuis 2017, ndlr) montre effectivement que les mesures de rigueur en matière de délivrance des visas remontent à plusieurs années, c’est une réalité”, avait reconnu Marc Sédille, alors consul général de France à Alger, dans un entretien à TSA en 2022.
Le visa est utilisé comme arme de lutte contre les flux migratoires et la France ne s’en cache pas du moment que c’est sa raison d’être.
Des politiques français appellent désormais à l’utiliser comme levier de pression dans la crise avec l’Algérie. Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, met la pression depuis plusieurs semaines pour décréter toutes sortes de mesures de rétorsion : révocation unilatérale des accords de 1968, imposition du visa pour les porteurs de passeports diplomatiques, suppression de l’aide au développement et évidemment la réduction, voire la suspension de la délivrance de visas aux demandeurs algériens.
Le président Macron, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères se sont exprimés sur plusieurs de ces leviers mais pas sur les visas. La seule mesure actée, car annoncée à la télévision par le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot, est la restriction de l’entrée en France des porteurs d’un passeport diplomatique algérien.
La question des mesures à adopter dans la crise avec l’Algérie fait l’objet d’une confusion totale au sein de l’Exécutif français et de divergences étalées en public.
Fin janvier dernier, le journal gouvernemental algérien El Moudjahid a accusé Bruno Retailleau d’avoir agi seul en ordonnant à la police des frontières de réserver un traitement dégradant aux voyageurs algériens dans les aéroports français. Une telle injonction de Retailleau semble peu probable pour ce qui est de la baisse du nombre de visas.
Pour la simple raison que les consulats sont sous l’autorité directe du ministre des Affaires étrangères. Il est aussi peu envisageable que celui-ci ait pu prendre une aussi lourde décision sans l’aval du président Macron sous l’autorité duquel “se forge la politique étrangère de la France”.
A moins que, comme a tenté de l’expliquer au Point une source sécuritaire française, il ne s’agisse d’un “phénomène à la danoise” où les flux migratoires subissent les effets du raidissement du discours politique avant même la mise en œuvre de mesures restrictives concrètes. Quoi qu’il en soit, décision politique ou pas, il reste cette tendance indéniable : la France se ferme de plus en plus aux Algériens.
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