Le racisme anti-arabe se normalise-t-il en France ?
Les comportements racistes envers les populations dites arabes et les musulmans sont de plus en plus inquiétants et fréquents en France. Pire : les gestes et agressions racistes ont tendance à se normaliser et à se faire au grand jour, comme si ces actes n’étaient pas punis ou interdits.
La violente agression d’Adil Sefrioui dans l’est de la France semble être le point de non-retour qui mène à cette interrogation : le racisme est-il devenu tolérable en France ?
Ce Français d’origine maghrébine a été renversé volontairement par un homme en voiture qui l’a traité de “bicot” avant de lui foncer dessus avec sa voiture. Cet épisode choquant n’est que l’épilogue d’un échange lunaire avec l’agresseur d’Adil Sefrioui.
“Sale bicot, aujourd’hui tu passes sous le capot”
L’auteur des faits est un Français de 72 ans. Surpris par la femme d’Adil Sefrioui devant leur maison en train de prendre des photos de ses enfants, le couple a demandé des comptes à l’homme au comportement étrange. Ce dernier n’a pas souhaité s’expliquer, se contentant de repousser Adil Sefrioui, le menaçant avec une clef de croix et le traitant de “bicot” à plusieurs reprises.
Alors que l’agresseur tente de s’enfuir, Adil Sefrioui essaye de le retenir pour le confronter à la police qui avait été alertée par sa femme. En vain, l’agresseur s’en va au volant de sa voiture pour finalement revenir et foncer droit sur Adil Sefrioui. Il l’avait prévenu avant de passer à l’acte en lui assurant qu’aujourd’hui “bicot, tu passes sous le capot”. La scène a été entièrement filmée par l’épouse de la victime.
La victime a eu le réflexe de se jeter sur le capot pour éviter le choc et de s’enfuir dès que le chauffard s’est arrêté. Adil Sefrioui s’en sort avec un nez cassé et des fractures aux doigts et surtout le traumatisme d’avoir été agressé devant son domicile.
“Marre des arabes”
L’agresseur a volontairement tenté d’attenter à la vie d’Adil Sefrioui, alors qu’il savait qu’il était filmé. Il a également défoncé la barrière de la maison, derrière laquelle se trouvaient les enfants et la femme d’Adil Sefrioui, le chauffard aurait également pu les faucher.
L’agresseur a été arrêté, placé en garde à vue, puis renvoyé au tribunal correctionnel pour des faits de violences volontaires avec arme et injures racistes. Pour l’heure l’agresseur est libre, jusqu’à son procès. Il a pu rentrer chez lui mais a seulement été interdit de conduire un véhicule et de s’approcher du domicile de sa victime.
Ce qui inquiète davantage, c’est que le racisme en France ne se limite plus à quelques actes isolés sur le territoire français. Il se normalise quotidiennement par les jugements de valeurs et des termes racistes employés, même à des événements officiels en présence de témoins.
Au-delà des actes physiques, les propos racistes du quotidien
Le média local marseillais “Marsactu” révèle que lors d’une réunion, le président du Yachting Club a affirmé devant les participants au rendez-vous, parmi lesquels se trouvaient des élus locaux, qu’il en avait “marre des arabes”, estimant qu’il y en a trop. Il est allé jusqu’à dire qu’il serait “le premier pour la ratonnade”. Aucun des témoins de ces discours de haine n’est intervenu.
L’École nationale de la magistrature (ENM) française a également eu récemment son épisode raciste. Au milieu des documents destinés à informer les élèves magistrats de leur prochaine affectation, l’école a découvert des propos racistes appelant à laisser “la France au Français” et mettre “les Arabes dehors”.
Le directeur des services judiciaires a appelé les auteurs de ces faits à se dénoncer, en assurant qu’il ne publierait pas les affectations tant que le coupable ne se sera pas dénoncé. Personne n’a revendiqué les messages et sous la pression des syndicats, l’ENM a fini par céder et publier les listes sans démasquer le ou les auteurs de ces faits.
Ce climat délétère est constant et s’immisce à tous les niveaux. On ne compte plus les personnes d’origine arabe ou de confession musulmane qui vont jusqu’à subir des menaces de mort. Il y a quelques semaines, Nadiya Lazzouni, journaliste de confession musulmane a été menacée de mort à son domicile. De nombreux personnages médiatiques essuient constamment des insultes racistes. Plus récemment un chorégraphe d’origine algérienne a été l’objet d’une moquerie raciste en direct sur la chaîne France 2. Le rappeur Médine qui préfère s’en amuser, poste les menaces qu’il reçoit quotidiennement sur ses réseaux sociaux. Des plateformes qui sont les premières à recevoir des messages de haine. Par exemple même sous l’information de l’agression d’Adil Sefrioui, on en compte de nombreux. Jusqu’où peut aller la haine de l’arabe et du musulman en France ?
Des condamnations timides voire inexistantes
Au-delà de la normalisation, ce qui inquiète c’est l’absence de réaction auprès des représentants des pays. Les appels au secours de ces minorités visibles semblent souvent passés au second plan.
Pour l’attaque d’Adil Sefrioui qui s’est déroulée le 21 avril, la presse n’a eu vent de l’événement qu’une semaine plus tard, et aucun représentant des autorités françaises n’est venu apporter son soutien à l’homme qui a pourtant échappé à la mort.
De même pour les propos du président du Yachting Club à Marseille. La scène s’est déroulée en février mais n’a été révélée qu’en avril par la presse locale après avoir enquêtée sur le personnage.
C’est à ce moment-là que le maire de Marseille et d’autres élus ont fermement condamné le comportement du président du club nautique. Sans les médias ces faits auraient été tout simplement étouffés.
Le président du club a été poussé à la démission, mais seulement après que la polémique ait grossi et que SOS Racisme ait intenté une action en justice.