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Les raisons de la crise à Air Algérie

Un avion de la compagnie aérienne nationale Air Algérie. (Par Mindaugas Dulinskas - stock.adobe.com)

Après un semblant de stabilité qui aura duré près de quatre ans, Air Algérie change brusquement de tête. Bekhouche Allache, en poste depuis 2017, a été remercié ainsi que le ministre des Transports pour, officiellement, une dépense superflue en devises que la compagnie aérienne nationale ne devait pas faire dans cette conjoncture financière difficile.

Un directeur général par intérim a été nommé ce lundi 11 janvier à la tête d’Air Algérie. Si la tradition est respectée, Amine Mesraoua devrait être confirmé dans son poste dans quelques mois.

La réaction extrême, et inhabituelle du reste, des hautes autorités cache peut-être mal un malaise plus profond au sein d’une entreprise qu’on savait déjà en pleines turbulences.

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La crise sanitaire n’a pas été sans conséquences graves sur les équilibres financiers de l’entreprise dont quasiment toute la flotte a été clouée au sol pendant dix mois du fait de la suspension des liaisons aériennes internationales et domestiques.

Air Algérie : une situation « chaotique »

Les seuls vols effectués par Air Algérie pendant cette période sont ceux destinés au rapatriement des Algériens bloqués à l’étranger et, depuis début décembre, ceux des lignes intérieures qui ont repris sur décision du gouvernement.

Cette situation a fortement impacté la trésorerie de l’entreprise. Pour 2020, le manque à gagner est estimé à 40 milliards de dinars, une somme colossale pour la compagnie.

La direction d’Air Algérie a dû, en novembre dernier, soit après huit mois d’arrêt, saisir les partenaires sociaux pour proposer un accord sur une réduction générale des salaires, seule alternative à la situation décrite comme « chaotique ».

Le paradoxe Air Algérie

La crise de Covid n’a en réalité fait qu’aggraver les choses tant les difficultés sont chroniques pour la compagnie aérienne nationale. Sans les aides publiques régulières, elle aurait mis la clé sous le paillasson depuis fort longtemps et c’est là tout le paradoxe d’Air Algérie.

On parle de paradoxe car elle a tout pour réaliser au moins de meilleures performances, à défaut de devenir un mastodonte du transport aérien régional.

Hormis la parenthèse vite fermée de l’ouverture au privé avec Khalifa Airways au début des années 2000, Air Algérie détient un quasi-monopole sur le transport aérien domestique et ne fait pas face à une forte concurrence internationale sur les lignes au départ ou à destination de l’Algérie.

Très peu de compagnies, même en situation de monopole, arrivent à faire le plein des réservations pendant une saison complète. Air Algérie le fait chaque été grâce à la forte demande émanant de la communauté nationale établie à l’étranger et, à plus forte raison, en appliquant une tarification dénoncée comme excessive.

Une masse salariale exorbitante

Toutes les compagnies de la planète envieraient un tel confort, mais Air Algérie trouve le moyen de solliciter régulièrement la bourse publique. Avec une gestion optimale et une volonté politique, ces aides auraient servi à doter le pays d’une grande compagnie mondiale qui ferait rentrer des devises, porterait son image et servirait d’instrument de soft-power.

La situation est néanmoins loin d’être incompréhensible. Des scandales liés à la mauvaise gestion éclatent épisodiquement, comme le feuilleton du nouveau siège de la société qui a englouti des sommes colossales sans voir le jour, mais ce n’est pas tout.

La compagnie nationale croule sous le poids d’une très forte masse salariale et c’est là son principal problème. De hauts responsables de l’État ont dénoncé la situation par la passé mais n’ont pas agi pour y remédier. En 2017, Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, avait dénoncé, chiffres à l’appui, les excès d’Air Algérie en matière de ressources humaines : elle employait alors plus de 9 000 salariés, le triple de ses besoins.

Des collectifs de clients qui se battent pour la baisse des tarifs ont maintes fois expliqué que si personne n’a agi jusque-là, c’est aussi parce que la compagnie emploie beaucoup d’enfants de responsables influents, publiant même des listes nominatives.

Les excès sont particulièrement signalés au niveau des bureaux de liaison à l’étranger et c’est sur ce point que le président de la République a voulu agir en ordonnant, en octobre dernier, à la compagnie de réduire le nombre de ses agences aux quatre coins du monde. Plus de trois mois après, les choses n’ont pas bougé. Du moins, elle n’a rien été communiqué dans ce sens.