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Que vont devenir nos passeports après le Covid ?
Le secteur de l’aviation sera certainement celui qui bénéficiera le plus de l’arrivée d’un vaccin efficace contre le covid-19. Avec une chute de 66 % du transport aérien en 2020 et la faillite d’au moins 40 compagnies aériennes dans le monde, le besoin de relancer une activité est urgent et nécessaire à l’économie de nombreux pays.
Les experts mettent en garde : le seul espoir d’un vaccin n’est pas suffisant. Le virus continuera de circuler encore pendant plusieurs mois, voire des années. Il faut d’ores et déjà repenser notre façon de prendre l’avion.
Un second passeport pour se protéger
Comment passer d’aéroports déserts à des avions pleins, alors que le virus n’est toujours pas maîtrisé ? Les quelques compagnies qui ont pu maintenir des vols durant cette année ont dû s’adapter aux exigences de contrôle de chaque pays qui diffèrent selon les politiques nationales, ajoutant son lot de complications.
Tests PCR négatifs 72 heures avant le départ, QR code pour tracer les passagers, attestation sur l’honneur, sont autant de méthodes qui ont permis de maintenir un tourisme mondial depuis le mois de mars. Toutefois aucune n’assure complètement une protection contre le covid.
En 2021, “les voyages seront effectivement gérables via des technologies mobiles en libre-service et sans contact, afin d’assurer la sécurité des passagers”, prévoit Sergio Colella, président de SITA Europe, qui accompagne les aéroports et les compagnies aériennes dans la mise en place d’outils digitaux.
Parmi ces technologies, la plus défendue est le passeport d’immunité ou sanitaire numérique. Deux entreprises expérimentent déjà ce projet. D’une part, l’AOK pass présenté par une start-up à Singapour : un passeport sanitaire numérique prouvant que l’on a été testé négatif au Covid. Pour obtenir le ticket d’entrée, il sera nécessaire d’être testé dans une clinique dédiée à ce pass et de présenter ses résultats de façon numérique.
L’application Common Pass, développée par l’ONG suisse Common Project, d’autre part, propose le même principe mais en s’adaptant aux tests demandés par chaque pays. Les voyageurs pourraient présenter leurs résultats via un QR code généré par l’application et peut-être même plus tard une preuve de vaccination. Les deux méthodes permettraient aux voyageurs d’embarquer et de quitter l’aéroport sans nouveau contrôle de santé.
D’après le journal suisse Le Temps, 170 aéroports dans le monde approuveraient l’AOK pass. Des compagnies aériennes ont même déjà testé ces propositions. Etihad Airways a tenté l’AOK Pass sur l’un de ses vols et United Airlines a opté pour un essai du Common Pass. La compagnie Alitalia développerait actuellement son propre système.
Contrôles sous toutes les coutures
Le passeport sanitaire serait donc un complément de notre actuel passeport, mais serait-il présenté comme un service commercial ou une obligation ? Certes, il est l’assurance de ne pas être porteur du virus mais ce document scrutant notre santé développe un système de voyage parallèle se superposant aux contrôles d’identité et de visas actuels. Un système réclamant toujours plus de données personnelles et cette fois que l’on livrerait à des start-up et autres groupes privés.
Alors comment les États accepteront-ils une telle démarche ? Impossible de déléguer complètement une telle responsabilité à une initiative privée pour des raisons de protection des données.
Autre limite soulignée par le chroniqueur Mickael Skapinker qui s’interroge dans le Financial Times sur la gestion des voyageurs et des procédures d’embarquement dans les aéroports. “Nous avons compris ce qu’est une pandémie. Il y aura une histoire persistante, celle d’une réticence à toucher ce que d’autres ont déjà touché”.
Le chroniqueur s’interroge : pourquoi conserver un passeport papier, des cartes d’embarquement, des releveurs d’empreintes digitales, etc, touchés par de multiples interlocuteurs ? Peut-on défendre l’idée d’un traçage numérique extrême géré par des intérêts privés d’un côté et maintenir un système de papier et de contacts récurrents de l’autre côté ?
Le passeport numérique d’immunité implique également de fortes inégalités. Si les compagnies aériennes et les aéroports adoptent ce principe, ils empêcheront toutes les personnes sans passeport sanitaire numérique de voyager par avion. Or tous les pays n’ont pas les mêmes capacités pour tester leur population, il serait nécessaire d’adapter ces applications à chaque spécificité nationale. Le passeport sanitaire permettra certainement de relancer le secteur aérien mais pas nécessairement de redonner une liberté aux voyageurs.