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L’Assemblée nationale française a adopté, jeudi dernier, un texte proposé par le Rassemblement national (RN), visant à dénoncer l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Depuis, les réactions se multiplient.

Soutenue par une partie des députés de la Droite républicaine et du groupe Horizons, la résolution du parti de l’extrême-droite a été adoptée de justesse par 185 voix contre 184.

Dans une lettre ouverte adressée aux deux présidents, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, obtenue par Visas & Voyages Algérie (VVA), Me Fayçal Megherbi et Me Bernard Schmid, avocats au Barreau de Paris, dénoncent l’instrumentalisation de l’accord et proposent une réforme équilibrée et juste, loin des logiques de rejet.

Pourquoi les Algériens ne sont pas privilégiés du droit au séjour ?

D’emblée, les deux avocats soulignent « la dégradation de l’accueil des ressortissants étrangers et notamment algériens dans les préfectures françaises ». Obtenir ou renouveler son titre de séjour est devenu très compliqué.

Ils soulignent que cette adoption marque « une victoire symbolique importante » pour l’extrême-droite, ce qui « cristallise davantage la crise entre les deux pays qui dure depuis plusieurs mois ».

Réagissant à l’adoption de la résolution du RN, ils proposent une « amélioration » de l’accord franco-algérien de 1968, « mais pas dans le sens de l’extrême-droite française ».

Les avocats Megherbi et Schmid rappellent que l’accord en question, qui découle des Accords d’Évian de 1962, « encadre la circulation, le séjour et l’emploi des Algériens en France ».

Mais plusieurs avenants ont été apportés à l’accord, des modifications qui ont « toujours tenu compte de l’évolution des flux migratoires entre la France et l’Algérie », sans toutefois aligner complètement le régime algérien sur le droit commun. Résultat : « les Algériens ne sont en réalité aucunement privilégiés du droit au séjour ».

À titre d’exemple, en vertu de l’avenant de 1985, « un Algérien pouvait, sans difficulté, venir s’installer en vue de faire des études ou exercer certaines activités professionnelles ». Or, cette situation « avantageuse » a bien changé, estiment les juristes.

Pour étayer leurs propos, les deux avocats citent l’exemple de la réforme en droit des étrangers par la loi du 7 mars 2016, qui ne concerne, en aucun cas, les ressortissants algériens. Leur situation d’entrée, de séjour et de travail est « gelée » par l’accord franco-algérien et ses trois avenants. Ils n’ont pas accès à certains titres de séjour introduits par les dernières réformes.

Les réformes du droit de séjour qui ne concernent pas les Algériens

De même, les « grandes » réformes apportées au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) « ne s’appliquent donc pas aux ressortissants algériens, ce qui peut les léser dans certaines situations », expliquent les avocats.

Les dispositions de la circulaire du 23 janvier 2025 relative aux orientations générales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour ne sont également pas « applicables aux ressortissants algériens » à cause de l’accord franco-algérien.

Il en va de même pour la circulaire du 23 janvier 2025 qui porte sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du CESEDA.

Les ressortissants algériens ne peuvent également pas invoquer l’article L. 313-4 du CESEDA qui prévoit la régularisation exceptionnelle d’une personne en situation régulière pour des motifs humanitaires, car l’accord de 1968 ne prévoit pas cette modalité d’admission au séjour.

Enfin, les deux juristes indiquent que la possibilité de régularisation du séjour à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français subsiste dans l’accord franco-algérien alors que Nicolas Sarkozy l’a fait supprimer dans le CESEDA en 2006.

Réformer les accords bilatéraux, loin de la vision de l’extrême-droite

Ainsi, ils estiment qu’il est recommandé « que le gouvernement français sauvegarde le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayant la qualité de conjoint de Français, sans toutefois exiger d’eux un visa de long séjour ».

De plus, les rédacteurs de la lettre ouverte suggèrent de prévoir la suppression de la règle du visa long séjour pour l’exercice des activités commerciale, industrielle et artisanale des ressortissants algériens en France. Et que la situation des étudiants et des diplômés algériens soit calquée sur les dispositions du CESEDA.

Il s’agit donc, selon eux, « de tenir compte des évolutions et changements intervenus dans la réalité des migrations, et des rapports entre les deux pays », soulignant que l’actualisation salutaire des accords bilatéraux ne doit pas emprunter le chemin emprunté par l’extrême-droite.

Car celle-ci « se situe dans une logique de fermeture, de rejet, voire de haine et de racisme » et « présente les ressortissants algériens comme des prétendus privilégiés du droit au séjour qu’ils ne sont en réalité aucunement »

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