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Vaccin anti-Covid de Pfizer : la revanche des « têtes de turcs »
Cela fait près d’une année que le monde court derrière un vaccin contre la Covid-19 et il a fallu que ce soit des chercheurs d’origine immigrée qui le découvrent. Précisément des scientifiques d’origine turque, une nationalité synonyme de « souffre-douleur », du moins dans la célèbre expression de la langue française.
Ugur Sahin et Ozlem Türeci, un couple d’origine turque installé en Allemagne, viennent de rendre un énorme service à l’humanité. D’une efficacité estimée à 90 %, leur vaccin, développé avec la firme américaine Pfizer, suscite un réel espoir d’en finir avec la pandémie qui a emporté plus d’un million de personnes et empoisonne la vie à des milliards d’êtres humains depuis le début de l’année en cours.
Outre son importance scientifique et sanitaire, la découverte est aussi la bienvenue car survenant dans un contexte mondial de rejet de « l’autre », de fermeture des frontières, de débats intenses sur la place des immigrés dans les sociétés occidentales.
Ugur Sahin et Ozlem Türeci, 55 et 53 ans respectivement, ne sont pas les premiers « immigrés » à apporter une forte valeur ajoutée à leur pays d’accueil, mais le monde a toujours eu tendance à vite occulter l’apport des étrangers aux grandes civilisations. On oublie parfois que la Rome antique et les États-Unis actuels ont été construits d’abord par le brassage des cultures et des populations.
Les exemples d’immigrés anonymes qui ont grandement contribué au rayonnement de leur pays d’accueil sont innombrables et aucune grande nation ne peut prétendre aujourd’hui ne rien devoir à l’apport des « étrangers ».
L’émouvante histoire de Mohand Sidi Saïd, un Algérien chez Pfizer
L’histoire du couple turc est un véritable conte de fée. C’est connu, l’Allemagne a toujours été la première destination de l’émigration turque. Ugur Sahin y est arrivé à l’âge de 4 ans avec son père, embauché comme ouvrier dans une usine Ford à Cologne. Sa femme, elle, est née en Allemagne d’un père médecin venu d’Istanbul quelques années plus tôt. Le couple s’est marié au début des années 2000. Ils créeront d’abord la société Ganymed Pharmaceuticals en 2001, spécialisée dans la recherche sur les anticorps dans le cadre de la lutte contre le cancer. En 2008, ils lancent BioNTech qui sera donc à l’origine du fameux vaccin développé avec Pfizer.
Grâce à cette société, les deux enfants d’immigrés figurent aujourd’hui parmi les 100 allemands les plus riches. BioNTech était valorisée à 4,6 milliards de dollars il y a un an. Elle est passée à plus de 21 milliards puis à de 25 milliards de dollars après l’annonce de l’efficacité du vaccin mis au point. Une valorisation qui devrait augmenter encore dès la mise en vente du vaccin.
Chez leur partenaire Pfizer, même s’il n’a pas participé à l’élaboration du vaccin puisqu’il est à la retraite depuis plusieurs années, un autre immigré y a connu lui aussi un fabuleux destin. Et il est d’Algérie. Mohand Sidi Saïd, est parti de Kabylie où il n’a connu l’école qu’âgé de 9 ans après avoir exercé de nombreux petits métiers ingrats, pour finir vice-président de la célèbre firme pharmaceutique mondiale.
Il raconte tout cela dans un livre émouvant, « Du Djurdjura à Manhatan ». Pour beaucoup d’Algériens, le « rêve américain » s’est bien réalisé. Parmi eux le Dr Zerhouni, directeur de l’Agence américaine de la santé puis cadre dirigeant chez l’autre géant mondial Sanofi.
La prouesse d’Ugur Sahin et Ozlem Türeci ressemble à un conte de fée et rappelle que le talent, le travail et la persévérance finissent par payer même quand on vient de loin. Elle fait aussi marquer des points à l’Allemagne dont le modèle d’intégration, même s’il n’est pas le meilleur au monde, est au moins plus efficace que celui de ses grands voisins.