Les étrangers en situation régulière à Lyon se retrouvent coincés en France, incapables de voyager à l’étranger, saisir des opportunités professionnelles ou rendre visite à leurs proches.
En cause, les retards à répétition de la préfecture du Rhône pour délivrer des titres de séjour et des titres de voyage, rapporte le site d’informations Rue89 Lyon ce lundi 20 octobre. Pour les étrangers régularisés, c’est une véritable double peine.
À Lyon, l’attente est interminable pour un simple papier
Pour contester les délais interminables, une centaine de militants se sont rassemblés ce mercredi 15 octobre devant la préfecture du Rhône, à l’appel du collectif Soutien aux Migrants et Réfugiés Lyon 69 et de Bouge Ta Pref.
Faute d’amélioration de la part de la préfecture, cette mobilisation n’en est pas à sa première. « Madame la préfète, voyez la détresse des milliers de personnes qui dépendent de vous », a scandé un membre de la Cimade, cité par Rue89 Lyon.
D’après la préfecture, il faut en moyenne 236 jours pour décrocher un premier titre de séjour, et 139 jours pour un renouvellement. Or, ces délais sont bien au-delà des 4 mois légaux.
Abdelsalem, cofondateur du Collectif des Réfugié.es Oublié.es de la Préfecture du Rhône, explique : « Les gens pensent qu’une fois qu’on a le titre de séjour, tout va bien, mais on attend encore très longtemps pour le titre de voyage ».
Le titre de voyage, document substitut du passeport pour les étrangers régularisés, est indispensable pour quitter le territoire français. Les délais de la préfecture du Rhône vont jusqu’à 15 mois, une situation qui handicape les demandeurs.
« En tant qu’êtres humains, on devrait avoir la liberté de circuler »
« On a des personnes qui attendent parfois plusieurs années. Le titre de voyage n’est pas considéré comme une urgence, c’est compliqué d’accélérer la procédure », déplore Elsa Del Val, présidente de l’association Lien Écoute Accompagnement (LEA).
Aujourd’hui, ce sont des centaines de vies suspendues. Mohammed, ressortissant égyptien, témoigne de la situation cruelle qu’il traverse.
Alors que son père est hospitalisé en soins intensifs, il attend encore son titre de séjour pour demander un titre de voyage. « Je suis très stressé, je prends des médicaments pour dormir », dit-il.
Elsa Del Val ajoute : « Il s’est même interrogé sur la possibilité de renoncer à son statut de réfugié, qui est censé être protecteur ».
D’autres étrangers pâtissent de cette situation, à l’instar de Wafa, réfugiée soudanaise qui attend son titre de voyage depuis 6 mois ; et Kevin, 32 ans, qui a dû renoncer à des emplois humanitaires faute de pouvoir voyager.
Ce dernier dénonce : « Je me sens enfermé. En tant qu’êtres humains, on devrait avoir la liberté de circuler ».
Contactée, la préfecture du Rhône assure que « 4.000 rendez-vous sont proposés par mois », et que le nombre devrait augmenter dès la mi-novembre. Elle affirme aussi avoir traité jusqu’à « 81 % des demandes réceptionnées depuis mi-septembre ».
La préfecture du Rhône sous tension
Les associations dénoncent pourtant un décalage entre la réalité et les chiffres annoncés. Un ressortissant du nom d’Umar s’insurge : « Les Français, quand ils travaillent, ils peuvent partir en vacances. Nous, on n’a pas les mêmes droits, on est là pour faire le ménage, la restauration, la logistique, mais on nous empêche de bouger ».
Le sentiment d’injustice est d’autant plus important que d’autres départements prennent moins de temps pour traiter les dossiers. À Besançon par exemple, dans le Doubs, le délai moyen pour délivrer un titre de séjour est de 90 jours.
« J’aime beaucoup Lyon, mais ça fait un an que je suis séparé de ma famille, je pense à bouger, car c’est trop long », poursuit Umar.
D’autres envisagent carrément de quitter la France, comme le rapporte Elsa Del Val : « Des personnes sont parties en Angleterre, où les papiers arrivent plus vite ».
Selon elle, il est temps de proposer des solutions concrètes pour faire avancer les choses et délivrer leurs papiers aux étrangers régularisés.
Les collectifs demandent d’ailleurs à être reçus par la préfète pour trouver des solutions.
« On voit que les agents sont débordés, ce n’est pas forcément une volonté de bloquer les gens. Mais s’ils ne nous écoutent pas, rien ne changera », dit Elsa.
En attendant, les portes de la préfecture restent closes pour les demandeurs, coincés en France sans pouvoir voyager.