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Réouverture des frontières : l’agence Air Algérie Audin prise d’assaut
Aux premières lueurs du jour, ils étaient là. Anticipant le rush qui interviendra après l’annonce de la reprise partielle des vols à l’international, les clients de la compagnie aérienne Air Algérie ont pris d’assaut l’agence de la place d’Audin, situé au centre-ville d’Alger.
Au fil des heures, une chaine interminable s’est formée. À notre arrivée sur les lieux à 9 h 30 ce matin, les alentours étaient noirs de monde. Rapatriement d’un proche, achat d’un billet, changement de date : à chacun sa requête.
La tension était palpable aux abords de l’agence Air Algérie de la place Audin, la seule accueillant les clients en ce premier jour de reprise des réservations après l’annonce officielle de l’ouverture partielle des frontières, après plus de 14 mois de fermeture.
Nous avons pu discuter avec ces citoyens qui tentaient vaille que vaille de prendre leur mal en patience, le temps d’arriver jusqu’au guichet.
Un kilomètre de chaîne humaine
À l’entrée de l’agence Air Algérie, l’agent de sécurité montre les dents. Pour la moindre petite information, il vous enjoint d’aller faire la queue. Voyager après 14 mois de fermeture des frontières, à quel prix, dans quelles conditions, vers quelle destination ? La foule qui se presse, coude à coude, genou contre genou montre des signes d’impatience. Chacun a une histoire à raconter.
Samia est accompagnée de son bébé âgé de 21 mois. Elle vient acheter un billet pour rejoindre son époux syrien qui habite Tunis. « Ça fait deux ans qu’on ne s’est pas vu. Notre fille est née durant ce confinement. Il ne la connaît pas. Sur internet, il n’y a aucun vol disponible en juin, à destination de Tunis. Et les vols se font à partir de Constantine ai-je appris. Même s’il faut patienter toute la journée, je ne bougerai pas de là avant d’avoir réservé ma place ».
Mohamed, 67 ans, est complétement remonté. « Je me suis pointé à 7h du matin à l’agence Terminal d’Air Algérie. J’ai attendu une heure pour m’entendre dire par un agent que le réseau internet ne fonctionne pas, et qu’il faut venir ici, place Audin. Je dois prendre un billet pour Lille. Pourquoi Air Algérie n’ouvre-t-elle pas toutes ses agences afin de permettre une meilleure fluidité de la clientèle. Regardez, il y a des personnes âgées dans la chaine. N’avons-nous pas assez souffert comme ça, séparés de nos proches, pour qu’on nous fasse encore souffrir ? C’est vraiment humiliant. »
Une seule agence pour toute la capitale
À côté de lui, Brahim, la quarantaine abonde dans le même sens : « Je reviens de l’agence Air Algérie de l’hôtel Aurassi. Là- bas non plus, ils ne prennent pas nos de réservations. J’ai perdu du temps pour rien. ».
Nous accostons une dame qui vient juste de sortir de l’agence. « Je viens de réserver un billet pour ma sœur bloquée en Tunisie. Elle n’a même pas pu assister à l’enterrement de ma mère ni à celui de mon oncle. On m’a dit d’aller payer en Euros dans une banque et de revenir prendre le billet. J’étais là à 6h 30 du matin », explique-t-elle.
Prix de la billetterie : c’est juste de la folie
Amel, la trentaine, s’abrite des rayons du soleil avec une chemise en carton. Elle aussi est arrivée tôt ce matin. « Les prix de ces vols sont exorbitants nous lance- t- elle. Ma sœur qui doit rentrer de Paris devra débourser l’équivalent de 150 000 da pour deux heures de vol. À titre de comparaison, j’ai été rapatriée de Dubaï le 15 décembre 2020, et j’ai payé 3000 Dirham, soit l’équivalent de 140 000 da pour 7 heures de vol. Pourquoi ces prix ? Ce n’est pas tout le monde qui pourra rentrer. A-t-on pensé aux gens sans ressources, aux étudiants… C’est vraiment de la folie !. »
Nesrine, 33 ans, est résidente aux USA. Elle aussi se retrouve ce matin à faire le pied de grue. Elle pianote frénétiquement sur le site d’Air Algérie sur son téléphone portable. « Cela fait des jours que j’essaye de réserver en ligne comme recommandé par le communiqué d’Air Algérie sans résultat. Le site est bloqué. J’espère trouver vite un vol pour rejoindre Washington via Istanbul. Cette pandémie m’a séparée de ma famille et m’a fait perdre mon job ».
Une femme, la cinquantaine finissante, déboule et regarde perplexe la chaine humaine qui s’allonge. « Ne me dites pas que toute cette queue, c’est pour les billets » s’exclame-t-elle médusée. Et elle ajoute : « Mon frère est bloqué au Qatar. Je dois lui prendre un billet retour pour Alger. Il n’y a pas de vol direct. Il va devoir passer par Tunis ».
Islam, 45 ans, est un homme d’affaires. Lui aussi montre des signes d’impatience « J’ai grandi avec la chaîne, pour l’huile, le pain, le lait. Et voilà que cela continue 45 ans après, explose-t-il. Et en plus, il n’y a aucun représentant d’Air Algérie pour nous donner des explications. Je travaille entre la France et l’Algérie et je désire acheter un billet retour pour Paris. Mais ma peur, c’est de voir les frontières se refermer à nouveau et être bloqué en France comme je l’ai été avant mon rapatriement en décembre dernier ».
Obtenir les prix des billets à partir d’Algérie, disponibilité des places, remboursement… il va falloir déployer des trésors de patience et accepter de piétiner sur place des heures durant, avant d’accéder au guichet. Un exercice qui commence à peine pour des millions d’Algériens privés de voyages depuis mars 2020.