- Accueil
- Actualités
- La préfecture se trompe, un médecin algérien privé de titre de séjour
La préfecture se trompe, un médecin algérien privé de titre de séjour
Quand la politique se mêle de la gestion administrative, il n’est pas rare d’avoir des ratés. C’est le cas notamment en France, ou le durcissement de la politique migratoire a fait qu’un brillant médecin se retrouve sans papiers.
C’est l’histoire de Karim, jeune médecin algérien, arrivé en France en 2015, qui, après avoir suivi un parcours irréprochable et multiplié les diplômes, s’est heurté à un refus de sa demande de titre de séjour suivi d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), rapporte le site Mediapart ce jeudi 3 novembre (article payant).
Sans titre de séjour depuis 4 mois, ce médecin qui exerce au CHU de Saint-Etienne, se retrouve en situation irrégulière sur le sol français, ce qui l’empêche légalement de porter la blouse blanche, et ce, au moment où son hôpital a grandement besoin de lui.
Un arrêt de travail “préjudiciable” pour l’hôpital
En effet, le médecin algérien exerce dans le service d’oncologie médicale, où il est au chevet des malades cancéreux. Un service sous pression, selon son chef, qui atteste, dans une missive envoyée au tribunal administratif, que “la suspension brutale” du médecin algérien “ne permet plus d’assurer correctement la sécurité des patients hospitalisés et la continuité des soins”.
Pour le chef de service Oncologie, Karim est un élément “indispensable” et un médecin “d’un grand professionnalisme”.
Priver ce médecin algérien d’un titre de séjour menace le bon fonctionnement de l’hôpital, atteste encore le chef de service Oncologie qui explique dans sa lettre destinée au tribunal administratif que si Karim ne reprend pas son poste au sein du service, “il sera nécessaire de réduire très nettement la capacité d’accueil des patients atteints de cancer avec des conséquences très préjudiciables”.
Mais comment un médecin aussi respecté a-t-il pu se retrouver privé de titre de séjour au moment où le gouvernement français dit adopter une politique migratoire sous le slogan “être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils” ? Derrière le cas de Karim, se cache la complexité d’une machine bureaucratique rouillée.
Un parcours brillant récompensé par une OQTF
Selon Médiapart, Karim est le fruit d’une université algérienne d’où il a obtenu son diplôme en 2013. Après deux ans de travail en Algérie, le jeune médecin atterrit en France, en 2015, en tant qu’étudiant “pour approfondir ses connaissances”.
Multipliant les diplômes, le jeune médecin obtenait chaque année son titre de séjour sans trop de soucis. Les problèmes commencent 5 ans après son arrivée en France, en décembre 2020, précise encore le média français.
Alors que la pandémie battait son plein, le médecin algérien, alors qu’il était encore étudiant, exerçait aussi dans une unité Covid. Mais au lieu de faciliter l’obtention de son titre de séjour, sa situation a fait que sa demande soit sans cesse repoussée. Après avoir enchaîné les récépissés, il reçoit enfin, en juin 2022, un refus accompagné d’une OQTF. Il a 30 jours pour retourner en Algérie, sinon il s’expose à une expulsion.
Pour arriver à sa décision, la préfecture s’est appuyée sur de faux éléments. Alors qu’elle a jugé que Karim suivait des cours en ligne, ce qu’il pouvait faire depuis l’Algérie, la vérité était que le médecin algérien suivait la majeure partie de ses leçons en présentiel à Lyon, à l’exception de certaines leçons, qui étaient assurées à distance en raison de la pandémie.
Une autre erreur de la préfecture était de juger que Karim n’avait pas décroché son diplôme en se basant sur un relevé de note provisoire du dossier déposé par le médecin algérien avant que son mémoire ne soit corrigé. La préfecture n’a jamais demandé de documents supplémentaires, assure Médiapart.
Une “erreur administrative” à moitié corrigée
Il s’agit d’une “erreur administrative”, explique son avocat, une erreur qui tarde à se régler bien que l’OQTF ait été annulée en septembre 2022 par le tribunal administratif de Lyon. Mais Karim reste toujours (depuis 2 mois) sans titre de séjour, ce qui l’empêche encore d’exercer son métier.
En effet, au lendemain de l’annulation de l’OQTF par le tribunal administratif de Lyon, le médecin algérien s’est rapproché de la préfecture du Rhône pour leur présenter le jugement et demander un récépissé en attendant le titre de séjour, ce qui lui permettrait de reprendre le travail. « On m’a dit que je serais contacté quand le titre serait prêt. », déplore le médecin.
En attendant la régularisation de sa situation, Karim continue d’aider ses collègues au service d’oncologie du CHU de Saint-Etienne sans porter la blouse blanche. “Je ne porte pas de blouse ! Légalement, je ne suis pas assuré”, confie le médecin qui explique qu’il exerce tout de même en tant que bénévole en aidant notamment ses collègues en accueillant les nouveaux internes.
Karim, qui n’est qu’un nom d’emprunt, est un exemple de modestie et de professionnalisme. Outre les louanges de son supérieur, il a lui-même indiqué à Médiapart qu’il ne souhaite pas s’afficher car “quitte à être connu, autant l’être pour des faits scientifiques”. Il a d’ailleurs été étonné que le média Français se soit intéressé à son cas.
Le médecin algérien est titulaire de six diplômes différents délivrés par les universités de Lyon et de Montpellier. Il consacre son cursus à l’étude de la biologie du cancer, aux essais cliniques et à la cytogénétique. Tout en poursuivant ses études, il travaille en tant qu’interne à l’hôpital, une position précaire, qu’il espère temporaire, réservée aux médecins étrangers en France.